dimanche 28 février 2010

Le syndrome Manstein

Réflexions suite à la lecture du livre de Benoît Lemay : "Erich Von Manstein, le stratège de Hitler" aux éditions Perrin (2006)

Résumé (très rapide ...) : Erich Von Manstein fut le concepteur du fameux "coup de faucille" (attaque par Sedan) qui détruisit l'armée française en mai 1940. Concepteur seulement car Hitler, bien qu'enthousiaste par la présentation de son plan (contre l'avis de sa hiérarchie !) préféra le mettre en oeuvre lui-même. Sa réalisation approximative permit le fameux "miracle de Dunkerque" et c'est surtout l'audace et la ténacité de Guderian - chef opérationnel des Panzers - qui permit sa réalisation alors qu'Hitler affolé par le succès voulut tout arrêter en plein milieu.
Von Manstein se fit ensuite connaître par la prise en juillet 1942 de la forteresse de Sebastopol en Crimée qui était alors réputée imprenable. Il fut nommé par Hitler Feld-Maréchal, le grade le plus élevé de l'armée de terre et prit le commandement du groupe A (Armée du Caucase) et fut chargé,après la contre-offensive russe sur Stalingrad, de dégager la 6ème Armée. Il n'y arriva pas mais les experts militaires sont aujourd'hui d'accord qu'il sauva, par ce sacrifice certes significatif - 200 000 hommes, le reste des armées du Sud (plus d'un million d'hommes) dont la perte aurait sans doute signifié la fin de la guerre pour l'Allemagne.
Au printemps 1943, il réussit une série de batailles "défensives" qui se traduisirent par des contre-attaques réussies très coûteuses pour les Russes.
Hitler lui imputa l'échec de la bataille de Koursk en été 1943, mais la vrai raison de sa disgrâce survenue début 1944 (soit 1 an et demi avant la fin la guerre !) était ailleurs : Hitler ne supporta pas les demandes répétées de Von Manstein d'obtenir l'autorité sur la conduite du front de l'Est afin de pouvoir quand nécessaire replier ses troupes pour mieux contre-attaquer ensuite.
Au même moment, le "Times" titrait sa une sur Von Manstein en le qualifiant de meilleur maréchal de l'armée allemande !

Tous les experts militaires s'accordent sur le fait que c'est justement cette double volonté d'Hitler de commander lui même ses armées tout en ne leur accordant jamais le droit de retraite qui engendra l'effondrement si rapide du front Est à partir de la mi-1944. En fait, ce qui ne plaisait pas à Hitler c'était que Von Manstein connaissait parfaitement les limites du possible d'une armée, et essayait toujours de vérifier l'adéquation entre l'objectif, les moyens et le terrain. La force de ce dernier tenait en la combinaison de la théorie (il était officier de métier) et de la pratique (notamment les visites quotidiennes sur le front qu'il s'imposait en toutes circonstances).

A partir de mi 1944, donc, Hitler continua de couvrir Von Manstein d'honneurs et de récompenses diverses, tout en acceptant de plus en plus difficilement d'écouter ses récriminations et suppliques, mais refusera jusqu'à la fin de lui redonner le moindre commandement, au plus grand désespoir des autres généraux qui voyaient en celui-ci le seul capable de sauver l'Allemagne.

On voit bien là une différence fondamentale avec l'attitude de Staline qui laissa, à partir de fin 1942, la conduite des opérations à ses maréchaux. L'attitude d'Hitler ne peut se comprendre que par sa conviction absolue d'être dans le vrai et son refus non moins absolu de se confronter aux résultats de sa stratégie et à tous ceux qui en doutaient.

Revenons au monde du business, où la compétition pour en être différente n'en est pas moins cruciale. Le patron mégalo-maniaque et sûr de son talent, qui ne délègue pas et qui se sépare de tous les talents susceptibles de lui faire de l'ombre, et qui entraîne sa société dans un gouffre, c'est quand même assez répandu (Tchuruk et Messier me viennent à l'esprit, mais il y en a pas mal d'autres ...)

Comment cela est-il possible ? une réussite initiale qui donne crédibilité au top-manager et lui fait croire à son infaillibilité, une pratique autoritaire et clanique du pouvoir qui fait taire les contradictions et les débats, et ensuite une total cécité face aux premiers échecs de sa politique.

Il serait intéressant de retrouver tous les Manstein de Vivendi et Alcatel, virés pour la plus grande perte des groupes auquels ils appartenaient, et de savoir ce qu'ils sont devenues (car dans le Business il peut y avoir une 2ème chance !)

lundi 15 février 2010

Automobile, chômage et usine à gaz

Quel rapport entre l'automobile et le chômage ?

Aux Etats-Unis, le prix des voitures américaines étaient depuis longtemps grevé du coût des retraites des salariés américains. En France (et dans la majeure partie des pays européens), le coût d'usage d'une auto est fortement grevé de taxes diverses. Résultat : chute des ventes, compensée plus ou moins par des incentives gouvernementales à l'achat qui font un peu penser à la politique HP ou Nespresso : achetez mon imprimante ou ma cafetière à bon prix, et ensuite devenez mes assujettis.
Malgré tout, la tendance semble assez irréversible : l'utilisation de la voiture dans la ville recule nettement et les ventes d'essence connaissent depuis quelques années une décroissance en France.

Ayant fait son sort à l'auto, qu'en est-il de l'emploi ?
L'emploi en France (mais pas seulement) supporte depuis quelques décennies le coût de l'explosion des dépenses de santé et des retraites. Résultat, sa compétitivité s'est fortement détérioré, notamment vis à vis des pays neufs qui ne connaissent pas ce type de handicap.

Alors ? Et si baisse du poids de l'auto et hausse du chômage dans les pays développés étaient 2 tendances lourdes générées par l'avidité de l'État ayant chargé inconsidérément la barque depuis quelques décennies ? La présidente du Medef vient de proposer l'exonération de charge totale sur les embauches des chômeurs en fin de droit. On reste dans la logique des incentives et des usines à gaz.

A quand un impôt unique et égal pour tous remplaçant tous ces systèmes ineptes et contre-productifs ? Une TVA à 25% par exemple en échange d'une suppression des taxes sur l'automobile et sur les salaires. L'apparente injustice pour les revenus modestes serait compensée par la pérénisation d'un système de redistribution aujourd'hui à bout de souffle en raison de l'asséchement des capacités productrices dans notre pays.

En période de guerre, les gouvernements donnent toujours priorité à l'approvisionnement du front par rapport à l'arrière. Il est vrai que dans une guerre économique, qui plus est avec le parapluie factice et temporaire de l'euro, la répartition efficace des ressources est plus longue à être décidée car l'urgence et les conséquences ne sont pas présentes au plus grand nombre immédiatement.

Qu'on y songe : rien n'empêche un salarié de quitter son pays s'il estime pouvoir avoir une meilleure rétribution ailleurs. Les Irlandais et les Italiens ont fait les Etats-Unis au siècle dernier. En France, la part des jeunes diplômés qui trouvent leur premier job à l'étranger devient impressionnante. comment seront payées nos retraites dans ces conditions ?

Alors : usines à gaz pour soutenir l'automobile et régler le problème des retraites ou retour au bon sens et à la simplicité ? Pour l'instant, je ne vois rien de vraiment engageant dans les réflexions. Le problème des usines à gaz, c'est qu'il faut sans arrêt les complexifier pour réparer les défauts permanents révélés par l'exploitation !

mercredi 10 février 2010

Un grand merci à nos amis grecs !

Un grand merci à nos amis grecs !

Ils viennent de réussir en 15 jours quelque chose d'indispensable mais qu'on n'avait pas réussi à faire depuis 4 ans, à savoir initier un net mouvement de baisse de l'euro (je mets de coté la hausse du dollar liée à la crise de septembre 2008). On peut être également certain quand on voit l'ineptie du programme de réduction des dépenses publiques grecs que la baisse n'en est qu'à son début, si les marchés attendent des résultats pour changer d'avis ...

Vraiment, je ne veux pas insulter nos amis grecs mais il semble évident que l'euro s'apparente pour eux à la pierre attachée au prisonnier jeté dans le lac. Arriveront-ils à s'en dépêtrer avant la noyade ? Je le leur souhaite, mais je n'en suis pas certain.

Revenons à l'euro. J'ai toujours pensé qu'il n'y avait aucune raison qu'un euro vaille plus qu'un dollar. Bien sûr, le combat euro dollar s'apparente à la lutte de l'aveugle et du paralytique : l'issue est incertaine. Le dollar a mille raison de plonger et de nous laisser avec le problème d'un euro sur-évalué.

Devant admettre que sur les évolutions des taux de change, bien malin celui qui peut prédire l'avenir, je souhaite développer rapidement non pas mes certitudes sur la baisse de l'euro mais pourquoi je pense que ce serait une bonne chose si elle pouvait se poursuivre.

2 raisons à cela : d'une part, la baisse matérialise l'appauvrissement relatif de la zone euro dans un monde qui progresse. Bien sûr, je préférerai le contraire mais je pense malgré tout qu'il est sain qu'une monnaie reflète fidèlement l'évolution de l'économie. D'autre part, un euro qui baisse signifie plus d'inflation et pénalise ceux qui ne peuvent ajuster leurs revenus au détriment des entreprises et des salariés des entreprises privées qui ont besoin aujourd'hui de ce coup de pouce lié à la chute de l'euro.

Donc, merci aux grecs, en attendant que les autres membres du club des "PIGS" fassent parler d'eux, tout en sachant que nous sommes en France encore moins vertueux qu'eux, mais la vertu n'est heureusement pas le baromètre des marchés financiers ...

jeudi 4 février 2010

Où va l'économie ?

Il est de coutume d'attribuer au mois de janvier des vertus particulières pour la prédiction de l'année entière : il en va ainsi pour la météo comme pour la bourse. Le moins qu'on puisse dire, c'est que janvier (ainsi que début février) aura été marqué par une tendance heurtée. A la petite euphorie des vœux et du changement d'année succède le découragement et la lassitude ....

Alors, où va l'économie ? Je ne suis ni devin ni économiste, simplement je souhaite partager quelques réflexions de bon sens. Le cadre général, que nous connaissons tous, peut être résumé ainsi : pour ce qui concerne l'économie, des doutes sur la réalité de la reprise (cf l'emploi) et de grandes inquiétudes sur la dette publique. Pour la bourse, les pessimistes pensent que les problèmes économiques entraîneront tôt ou tard les marchés à la baisse. Les optimistes rappellent que les actions ne sont pas chères actuellement et que les hausses se font toujours dans la crainte et la peur ....

On sait tous que l'emploi est le dernier indicateur à s'améliorer après une récession, et, cette crise ayant été exceptionnelle, il n'est pas étonnant que l'amélioration tarde à venir. Dans cette querelle entre les anciens et les modernes, on peut quand même, me semble-t-il, faire ressortir quelques faits incontestables :

1) La croissance se fait depuis quelques années en Chine, Inde, Asie du Sud-Est et Brésil. Ces 4 blocs qui représentent presque la moitié de la population mondiale sont en très forte croissance depuis quelques années. La Chine sera sous peu la 1ère puissance économique mondiale (elle l'est d'ailleurs déjà par son actif net !). Cette croissance a été à peine impactée par la crise et tout laisse à penser (démographie, productivité, investissements ...) qu'elle va encore s'accélérer. L'interrogation sur la reprise concerne un monde en train de devenir minoritaire : le nôtre (les pays dits développés).

2) Nos grandes entreprises, pour la plupart cotées en bourse, bénéficient et bénéficieront à plein de cette croissance dans les prochaines années. On a été surpris par leur capacité de résistance à la crise, mais une des raisons était sans doute là.

3) L'emploi chez nous ne redémarrera que très doucement : les entreprises ont profité de la crise pour ajuster drastiquement leurs effectifs et les gains de productivités futurs leur permettront de remettre à plus tard les recrutements, en dehors de ceux rendus nécessaires par la croissance de l'activité.

4) Les états dits développés (cette formulation devrait d'ailleurs nous alerter car si on parlait d'un individu, à force de développement, le cimetière n'est plus très loin ....) vont devoir tailler dans leurs dépenses pour réduire leur déficit, la hausse des impôts étant illusoire. Cette réduction des dépenses sera plus facile qu'on le pense habituellement en France en raison d'une part du niveau de sur-investissement des dernières années (routes, carrefours, écoles, équipements sportifs par les mairies, conseils généraux et régions ...) et des progrès possibles dans l'efficacité de la dépense. Aux Etats-Unis, un départ de l'Irak et de l'Afghanistan réduirait pas mal les dépenses ...

En conclusion : mon pronostic est le suivant : une croissance modeste en Europe et aux Etats-Unis qui ne permettra pas d'obtenir des résultats sur les fronts de l'emploi et du déficit, la solution se trouvant dans la durée et dans la douleur par un ajustement des prix et des salaires, reflétant notre position désormais secondaire sur l'échiquier mondial. Face à nous, une zone de croissance absorbant de plus en plus les produits et services des grands groupes mondiaux tirant leur épingle du jeu. D'où un paradoxe qui n'est qu'apparent : un chômage qui ne baisse pas mais des résultats en hausse pour les grandes entreprises européennes et américaines.

C'est finalement le consensus qui se dégage des professionnels de la bourse, qui, sans exclure une poursuite temporaire de la chute actuelle, voient les marchés terminer sur une hausse à 2 chiffres en 2010. Soit de loin le meilleur placement possible.