mardi 26 avril 2011

Albert Speer

Au hasard de mes plongées dans l'histoire de la seconde guerre mondiale à l'occasion de mon voyage à Berlin, j'ai revu l'excellent téléfilm diffusé sur Arte : Speer et Hitler : l'architecte du diable.

La défaite de l'Allemagne et du Japon semblait inéluctable au vu de leur part respective (minime) dans le PIB mondial. Les japonais en étaient tellement convaincus que ce fut leur justification à l'attaque surprise de Pearl Harbour, et les archives montrent clairement que l'Amiral Yamamoto savait très bien que faute d'avoir pu alors détruire les portes-avions américains, la guerre serait très difficile à gagner.

Hitler - même s'il connaissait bien les enjeux économiques liés aux approvisionnements en minerais et pétrole qui guidèrent souvent sa stratégie militaire - se refusa très longtemps à aborder la guerre en terme économique.

Speer - jeune architecte nommé en début 42 ministre de l'armement suite au décès accidentel du titulaire du poste : le ministre Todt (fondateur de l'organisation Todt) fut le premier à en comprendre l'enjeu et à relever le défi.

il le fit avec tant de succès (forte croissance des productions jusqu'à fin 44 malgré les bombardements intensifs) qu'on peut se demander si - nommé simplement un an plus tôt par le fait du destin - l'Allemagne n'aurait pas pu gagner la guerre, à la différence du Japon qui économiquement n'a jamais eu sa chance.

Au delà du jugement sévère qu'il porte sur Hitler, qualifié de dilettante sacrifiant ses armées dans les immensités russes (un seul exemple : les constructeurs allemands de chars considéraient un char comme perdu techniquement après 1000 kilomètres sans révision générale or l'absence de chemin de fer à l'intérieur de la Russie fit parcourir aux chars allemands des distances infiniment supérieures), il me semble intéressant de comprendre les raisons du succès de Speer.

La première tient à la nature spécifique du régime totalitaire : l'appui total de Hitler permit à Speer - qui n'y connaissait rien en armement - d'imprimer tout de suite sa marque et de dérouler son plan conçu en quelques jours. L'absence de scrupules et de morale permit l'emploi de forces de travail qui n'existaient pas dans les démocraties combattantes : déportation, travail des prisonniers, service du travail obligatoire .... Même s'il faut noter que Speer n'obtiendra jamais l'état de "guerre totale" pompeusement clamé par Goebbels mais en fait refusé par Hitler. Quelques exemples : les femmes allemandes ne travailleront pas dans les usines, les chantiers civils -totalement inutiles en période de guerre - seront arrêtés tardivement et difficilement.

Les autres raisons sont propres au "génie organisationnel" de Speer :

1) Il obtint d'abord les mains libres par rapport au parti nazi et ce jusqu'à la fin de la guerre (commandes et relations sans tenir compte de l'appartenance au parti, immunité totale - garantie par Hitler - pour ses collaborateurs et toute personne désignée par Speer). Il avait compris que la bêtise ambiante au parti était son ennemi et il ne s'en cachait pas.

2) Il pilota lui même les priorités d'armement en construisant des matrices d'organisation en sous spécialités (roulements à bille, turbines, moteurs ...) à partir des avis des meilleurs techniciens experts en armements.

3) Il travailla directement avec les grands trusts allemands en court-circuitant totalement l'administration. Il leur délégua la production en évitant de changer les priorités.

4) Il réagit très rapidement aux premiers bombardements massifs en ordonnant la dispersion des moyens de production.

Sa politique se traduisit comme je l'ai déjà dit par une très forte progression de la production d'armements sur les 2 années pleines de son action, à savoir 1943 et 1944, mais aussi la mise en place de programmes nouveaux qui arrivèrent trop tard pour changer le cours de l'histoire, le plus marquant étant celui des sous-marins (c'est très technique mais en résumé Speer coopéra avec l'amiral Doenitz chef de la flotte des sous-marins pour construire le type de submersible capable de faire face aux navires alliés, ce qui n'avait pas été possible avant en raison de l'opposition de l'amiral Raeder commandant l'ensemble de la flotte avec l'amiral Doenitz). On appellerait cela aujourd'hui une analyse des besoins.

Si on met de coté l'exercice qui est un peu vain de se faire peur à refaire l'histoire (mais pas toujours inutile pour éviter de renouveler ses erreurs ...), on se dit que la puissance actuelle de l'industrie allemande - N°1 au monde si on l'analyse par sa qualité - trouve ses sources certes pas seulement mais peut-être en partie dans l'apport organisationnel et dans les principes appliqués par Speer. Etonnant ?

lundi 25 avril 2011

BERLIN

Après avoir découvert l'an dernier le Japon lors d'un voyage rapide, j'avais prévu d'y retourner plus longuement avec mon épouse cette année. Nous avons finalement décidé - après maintes hésitations - de reporter notre voyage à des jours meilleurs et nous sommes repliés sur Berlin.

Berlin : ville où j'ai connu mon épouse. Ville où son père, jeune aspirant-officier bulgare - allié de l'Allemagne - a failli y laisser sa vie pendant la dernière guerre, échappant aux russes de justesse avant leur entrée à Berlin.

Berlin est toujours en travaux, 20 ans après la chute du mur mais on en perçoit aujourd'hui toutes les possibilités : ville d'art et d'histoire avec des perspectives somptueuses et immenses (Berlin est 8 fois plus étendue que Paris).
Une densité de population faible et des conditions de vie bien meilleures. Un réseau de transport : train, métro et bus impeccable, propre. Une sécurité et une propreté générale quasi-parfaite. Des espaces verts et de campagne au cœur de la ville (comme si la Seine de Giverny se trouvait en plein centre ville !).

Berlin est une ville a découvrir ou redécouvrir. Au plan historique, musés et expositions sur les guerres, l'histoire du nazisme, de l'holocauste et du communisme (Staline, la DDR, le mur de Berlin). Les mémorials se succèdent dans un équilibre vrai et dépassionné mais empreint d'un vrai sens de responsabilité de la part des allemands.

Un mélange de reconstruction et de modernisme; Berlin a des cotés de Washington avec ses immenses esplanades couvertes de bâtiments majestueux.

Pour en faire la capitale européenne, reste à la doter d'un aéroport moderne. Parmi les handicaps, le niveau des finances de la ville (mais Berlin a toujours été aidé par le gouvernement fédéral) et un niveau de vie moindre (taux de chômage élevé, stigmate du communisme)

La visite de la Stasi, qui employa jusqu'à 100 000 personnes et 400 000 informateurs est un moment fort du voyage. Les allemands ont réussi à sauver in-extrémis les archives et y ont désormais accès pour se remémorer la phrase de Churchill : "La démocratie est le pire des régimes politiques, si on fait abstraction de tous les autres".