dimanche 6 janvier 2013

Comprendre l'Inde ?

La violence et l'étendue des manifestations d'indignation en Inde suite au martyre de la jeune indienne dont le père à révélé ce jour le nom à la presse britannique peut surprendre celui qui ne connait pas bien l'Inde : manifestations violentes contre la corruption du système ayant causé la mort de plusieurs manifestants et policiers, appels au boycott du défilé militaire du jour de la république (l'équivalent de notre 14 juillet) et à une justice expéditive, sans parler de multiples avatars comme l'obligation faite aux jeunes écolières de Pondichéry de se survêtir en pleine chaleur (plus de 30 degrés) pour éviter les provocations ...

L'Inde est la plus grande démocratie au monde avec des problèmes de violence méconnues du grand public : la guerre et la guérilla sont omniprésents dans une bonne partie de son territoire : au Cachemire d'abord où les populations musulmanes ont chassé les populations hindoues ("pandits") dans la fin des années 2000, ce qui en fait le plus grand exil interne à un pays de ces dernières années (350 000 personnes vivent actuellement dans des camps de réfugiés). Résultat : une farouche répression de l'armée indienne contre ses populations musulmanes et un terrorisme qui n'en finit pas. Moins connu encore, l'Inde abrite les guérillas maoïstes les plus importantes au monde avec des territoires au nord-est totalement hors contrôle (récemment des touristes italiens s'y étaient fait enlevés pour avoir photographié des autochtones).

Le cinema de Bollywood est imprégné de cette violence : guerre, terrorisme, guérillas et bandits de tous genres sont filmés avec une violence et une actualité sans pareil dans le cinéma occidental, puisque actuels et réels.

Les 2 autres plaies de l'Inde qu'a fait dramatiquement ressortir ce fait divers sont les violences aux femmes et la corruption, toutes deux massives et institutionnalisées. Violences au femme d'abord : cela commence par la sélection du sexe avant la naissance totalement prohibée par la loi mais généralisée (les cliniques détectent le sexe à 10 semaines et pratiquent l'avortement si c'est une fille), les mariages arrangés, la vie difficile des jeunes filles dans les campagnes, l’extrême occurrence des viols et la honte portée tant sur la victime que sur sa famille, qui font que souvent la mort ou le mariage avec le violeur sont les seules solutions.

Corruption massive qui font que la police est souvent le premier violeur ou a tout le moins un témoin passif. Ainsi à Delhi l'an passé sur 600 procès pour viols, une seule condamnation avait pu être prononcée. Dans le film "qui a tué Jessica ?" Bollywood s'était emparé d'un fait divers où un fils de notable avait froidement abattu une jeune serveuse dans une boîte de nuit parce qu’elle lui refusait une consommation. Il avait fallu des années de détermination à une journaliste pour relancer l'affaire et obtenir la condamnation du tueur qui avait réussi à obtenir un non lieu en achetant tous les témoins.

Une des armes de la justice est la requête de l'anonymat : ainsi, et on se demande pourquoi dans ce cas précis, la justice indienne a requis l'anonymat pour la victime dans ce cas, si ce n'est pour lui nier justement son statut de victime tant il est vrai que morte elle leur fait aujourd'hui un tort considérable (elle est morte loin de son pays à Singapour, et la cérémonie de crémation a été expédiée mais cela n'a pas suffit pour la faire oublier). Ainsi, il faudra voir avec quelle rapidité le gouvernement indien accédera à la requête du père de la victime de rendre public son nom. Il est assez étonnant de constater qu'à l'ère d'internet un gouvernement démocratique arrive à imposer un silence à une population d'un milliard d'habitant par la menace d'un article de loi qui prévoit 2 ans de prison ferme pour quiconque dévoilera le nom d'une victime dont la justice a demandé l'anonymat.

Le mauvais traitement réservé par la police et les autorités aux victimes est sans doute lui aussi révélateur d'une réalité qui saute aux yeux des manifestants et qui s'ajoutant à la longue liste de la corruption générale de la classe politique en Inde, est en quelque sorte la goutte qui fait déborder le vase.

Cet horrible fait divers n'a pas fini de secouer et de faire bouger l'Inde. Souhaitons pour les femmes en Inde et pour l'Inde en général qui est un grand et un beau pays que le martyre de Jyoti Sing Pandey n'ait pas été vain.