mercredi 27 avril 2016

De la pénalisation des clients des prostituées en France

Plusieurs réflexions sur la loi qui vient d'être votée en France après 2 années de polémiques et allers retours législatifs.

D'abord, un rappel historique : le terme "le plus vieux métier du monde" est certes éculé mais pas totalement faux. Rappelons simplement qu'à Rome les praticiens avaient une épouse pour les enfants et des prostituées pour le sexe, le plaisir et l'amour. A la fin du 19ème siècle et notamment au second Empire, de nombreux hôtels particuliers luxueux seront offerts à des "simili-actrices" par leurs riches amoureux, milliardaires ou banquiers. Pendant la seconde guerre mondiale, Paris sera transformé en vaste lupanar pour les soldats allemands, ce qui vaudra aux maisons-close d'être fermées après la guerre. Aujourd'hui, Cuba et la Thailande sont de véritables bordels à ciels ouverts.

La prostitution sera interdite en France, elle ne l'est pas dans la plupart de ses pays voisins : Espagne, Italie, Suisse, Allemagne, Belgique et Pays-Bas. La loi n'étant pas applicable hors du pays, les clients ayant les moyens et n'ayant pas envie de prendre le moindre "risque" (on reviendra là-dessus) n'auront que l'embarras du choix.

La loi sera-t elle respectée ? Bien sûr que non : la France est le pays n°1 pour la consommation du cannabis en Europe loin devant les Pays-Bas où elle est légalisée. Certes, cependant, une amende de 5ème catégorie (équivalent à une agression à coup de couteau), 1500 €, l'inscription dans le casier judiciaire, sa compagne ou sa femme au courant, l'estampillage "pervers sexuel" devrait en faire réfléchir plus d'un. Les hôtels de luxe parisien ont du souci à se faire quand on sait le nombre de chambres louées par des Escorts de luxe russes ou des pays de l'est. Notons par ailleurs que pour ce qui concerne la prostitution haut de gamme liée au Business, pas de soucis à se faire, la Suisse et ses bordels sont déjà très accueillants; après, il suffit d'organiser un séminaire à Bangkok ou à Cuba et le tour est joué. Imagine-t-on un grand contrat sans du champagne et des filles ?

Au plan législatif, la chose sera intéressante ; ce sera la première fois qu'une offre (la prostituée) sera tout à fait légale mais que la demande (le client) sera interdite. Est-ce vraiment constitutionnel ? Il sera intéressant d'avoir l'avis du conseil constitutionnel sur ce sujet, tout comme de savoir si le principe de libre disposition de son corps n'est pas un peu raboté quand le "disposeur" risque une lourde amende ?

La prostitution masculine vers les femmes sera-t-elle également dans le viseur ? On imagine la délectation des féministes et députées ayant voté la loi lorsque le premier client - la queue basse certainement -sera amené au poste et "cuisiné". Mais une femme ayant payé un homme - et il y en a - pourrait-elle subir le même sort ?

Sur le plan de la condition des prostituées, et pour prendre l'exemple de la Suède que l'on cite beaucoup, il semble que beaucoup s'accordent pour dire que la prostitution s'est déplacée en Suède mais n'a pas du tout disparue : très clandestine pour le client sans moyen et sur des bateaux bordels aux limites des eaux territoriales suédoises pour les autres, où les prostituées vivent dans des conditions très pénibles.

La dignité de la femme ? Et la pornographie - faut-il l'interdire ainsi que les affiches provocantes en haut des kiosques ? Et les femmes qui se font massacrer pour une jupe ou un refus du port du foulard (mais ce sont des putes justement dira-t-on ...). La censure des sites internet proposant des Escorts sera intéressante à suivre, cela nous mettra dans le camps des pays censurant internet (Chine et pays islamiques ou communistes), est-ce possible techniquement, légalement ? Concernant, les viols : près de 100 000 viols par an en France, la plupart impunis. Doit-on en parler moins sous prétexte que certains assimilent la prostitution à un viol (ce qui a été tenté mais abandonné car sinon il fallait poursuivre aux assises chaque client ....). Au vu des viols impunis on espère simplement que la chasse aux clients ne se fera pas au détriment de celle des violeurs.

Au plan de la sécurité intérieure enfin, et dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, on sait ce que la police en pense, outrée que la chasse au client puisse également détourner des moyens et des effectifs à bout de souffle ...

Sur le plan moral, notons que les sites incitant ouvertement à l’adultère sont autorisés (dont certains spécialisés pour les femmes) alors que cela reste un motif de divorce. La drague sur internet est bien sûr parfaitement morale et légale, on peut imaginer qu'après la promulgation de la loi (si tant est qu'elle le soit), un certain mélange des genres se fera. Attention à la confusion entre "cadeau d'amoureux ou de gentleman" et "rémunération prohibée d'une relation tournant finalement à la prostitution", compliqué .....

Quand au client marié qui voyait de temps en temps une prostituée ou une Escort, pas de problème : il lui suffira de s'inscrire sur un site de rencontre. Évidemment, les risques sont certainement plus grands (notamment par désir parfois de se mettre en couple), mais cela permettra de rester dans la légalité.

Quand à la prostitution étudiante, notons que des pays comme la Chine, la Corée et le Japon ont développé le "concept" de la jeune maîtresse officielle : jeune étudiante "aidée" par un riche homme d'affaires ou homme politique sur toute la durée de ses études. De telles pratiques pourraient-elles malgré tout se développer et seraient-elles contraires à la loi ?


Un dernier point de vue : la France est un pays qui adore les principes, les concepts et les lois mais qui ne se soucie pas vraiment de leur respect et de leur conséquence. En ce sens, cette loi sur la pénalisation des clients des prostituées n'est pas étonnante. Passons sur le fait qu'elle pénalisera autant (sinon plus) les prostituées que les clients. On n'osera pas penser par ailleurs - sous peine d'être accusé de racisme - qu'elle préfigure une sorte de charia islamique mais il serait intéressant d'analyser l'essor de la prostitution à Dubaï, formellement interdite et en même temps extrêmement développée. France-Dubaï même combat ou situation antagoniste ? L'avenir le dira.